Drowned in Drones : Noyade au pays des drones

Micro-commissariat en art sonore par Guillaume Dufour-Morin

Cette sélection musicale a été diffusée dans le cadre de notre émission No. 29 — 21 janvier 2019.

Les artistes

B Ajay Sharma

Image par B Ajay Sharma

B Ajay Sharma (Delhi) est un artiste en arts visuels œuvrant en art actuel ayant présenté ses œuvres dans des festivals, des résidences d’artistes et des expositions notamment en Inde, en Corée du Sud, en Espagne, en Allemagne, en Hongrie, en France et au États-Unis. Formé en arts visuels, sa pratique en art actuel, engagée et riche de savoirs reliés aux traditions et aux croyances issues de communautés indiennes rurales, est à l’intersection de l’art performance, l’installation, le dessin, la peinture, la photographie, la vidéo, l’écriture et l’art sonore. Son instal-action de longue durée « Horizontal Line » (Horangasinamu Artpolygon, Gwangju, Corée du Sud) est élaboré autour de la notion du bhava (processus de l’existence) et du swaryog, le concept d’unité dans la respiration de la philosophie pranayama. Méditatif comme cette philosophie, ce drone est intimement lié au reste de l’œuvre-processus. Cette œuvre invite à la transe, à la contemplation, à une expérience polysensorielle d’une spatisation du temps qui passe inexorablement, comme une évidence se détachant d’un fondement indifférencié.

Isabelle Clermont

Photo par Sébastien Cossette

La pièce « Aquadrones opus I et II » d’Isabelle Clermont (Trois-Rivières) est un paysage sonore toute en drones abyssaux. Alors que la performance et installation sonore et vidéo « Écouter les étoiles à perte d’ouïe » (Conservatoire de musique de Trois-Rivières) se voulait une transcendante expérience sensorielle, l’installation sonore « La traversée des harmonies opus no.2/La déménagée » (Biennale nationale de sculpture contemporaine, Trois-Rivières) se basait sur l’offrande de témoignages avec diverses participantes. L’œuvre émerge d’une démarche interdisciplinaire qui repose sur la création d’univers immersifs par l’accumulation de couches, de textures improbables, dans l’esprit maximaliste de l’art total. Isabelle Clermont, maîtrisant art action, installation, musique actuelle, danse, estampe, poésie (entre autres), est une artiste qui compose dans l’attention d’une vibration, d’une onde qui peut la traverser et par conséquent traverser l’autre. Ses projets ont la particularité d’offrir une polyphonie des sens à travers la création d’espaces de recueillement, intime et sacré. Dans cette œuvre, elle sculpte et peint le son de plusieurs orgues pour atteindre les basses fréquences qui font réagir l’eau. Formée en arts visuels, boursière à cinq reprises,  membre du GGRIL (Grand groupe régional d’improvisation libérée) et de l’EMIQ (Ensemble de musique improvisée de Québec), elle a présenté son travail dans de nombreux festivals, résidences et expositions d’importance au Québec et à l’international. 

Tom Jacques

Photo par Jacqueline Chénard

« Oreilles coquillages » du musicien multi-instrumentiste et artiste sonore Tom Jacques (Rimouski) est tiré d’ « Essais bigarrés » (Musée régional de Rimouski), un ensemble de huit dispositifs sonores conçus par l’artiste, installé dans les salles du Musée et performé par huit musiciens lors de prestations sous sa direction. Cette pièce se déroule dans une salle commune. Le dispositif, co-créé avec l’artiste des métiers d’art et des arts visuels Emmanuel Guy, génère un effet similaire à celui de l’écoute de l’intérieur d’un coquillage, en plus d’amplifier certaines fréquences. Les spectateurs disposent de dispositifs interactifs qui consistent en divers bocaux de verre et de plastique qui leur permettent de modifier la perception de l’environnement sonore en approchant et éloignant le dispositif de leurs oreilles. En toute évidence, l’extrait ne reflète pas l’expérience de la performance d’ensemble savamment élaborée par cet artiste en art sonore qui fait dans la composition, l’improvisation, l’interprétation et la conception de dispositifs sonores. Mettant un terme à sa formation en percussion classique pour se diriger vers la musique actuelle, Tom Jacques œuvre depuis principalement dans les musiques contemporaines, jazz et percussives. Il travaille régulièrement avec divers artistes et techniciens aux fins de fabrications d’instruments de musique et d’installations sonores. Boursier à de multiples reprises, il est directeur artistique du trio de percussion Bascaille, co-directeur artistique du quartet jazz Manta et membre du GGRIL (Grand groupe régional d’improvisation libérée).

Gueze

Image par Gueze

Le drone sombre et inquiétant de Gueze (Albertville) peut étonner par sa provenance. Cet extrait de la pièce « Cellules sœurs » est tiré de l’album « Amibe », un inclassable dans le monde de la musique métal : l’album emprunte ses sonorités aux multiples sous-genres du métal (sludge, death metal, black metal, grindcore, doom) et à l’ambiant, au noise, à l’électro, fait figurer une trompette… Cet album concept a été forgé par les réflexions de l’artiste au sujet des diverses façons avec lesquelles l’identité peut être envisagée. Principalement musicien dont il est dur de nier chez lui son amour pour le métal, marginal en contexte rural, formé en architecture, Gueze est un artiste multidisciplinaire qui conçoit des événements, des performances, des vidéos et des œuvres graphiques utilisant diverses techniques de l’illustration. Son parcours est riche en collaborations inédites. Inclassable du métal, il est aussi un ovni de l’art actuel, quelque part à mi-chemin entre les arts populaires undergrounds et de recherche. Il s’occupe également de son studio, le Studio Urubu.

Commissaire

Guillaume Dufour Morin (Causapscal/Rimouski) est un artiste en arts visuels dont la pratique interdisciplinaire allie principalement l’art action à la création littéraire conceptuelle. Sculpteur de contexte à partir des mots, il réalise le plus souvent des performances de groupe dirigé, des interventions, des re-enactements, des actions furtives, manœuvrières, relationnelles ou infiltrantes, des partitions de performance, des objets ou des installations interactives. Sa production inclus également l’art vidéo, l’art sonore, le ready-made, l’installation, les arts imprimés, la photographie, l’archive, le livre d’artiste et la chorégraphie.   Dans ses œuvres conceptuelles et collaboratives, il aborde les politiques de l’hygiène et la résistance au nihilisme ambiant dans une société néolibérale surdisciplinée. Ses réalisations se déploient dans des festivals, des publications, des résidences d’artiste, des espaces d’exposition et des espaces publics, à titre individuel, en duo ou en collectif, au Québec et à l’international (Slovaquie, Serbie, Pays-Bas, Inde, Colombie, Espagne, Équateur). Artiste formé en arts visuels et en création littéraire, il est aussi commissaire indépendant et formateur en art performance. À titre de commissaire, sa pratique rejoint sa démarche d’artiste : il s’intéresse à l’intermédialité de l’art action et des littératures contemporaines hors du livre, à l’art d’intervention en contexte rural et à la poésie vivante basée sur l’infiltration des contextes et des communautés. Son plus récent projet de commissariat, Quand les mots se font circonstances, a été présenté en Inde lors de la deuxième édition de la Morni Hills Performance Art Biennale (Healing Hill Art Space, 2018) et fait l’objet d’un article dans le numéro 131 d’Inter, art actuel portant sur la réinvention des territoires et des terroirs.